
Les agents IA redéfinissent progressivement les contours de la souscription en assurance IARD. Bien plus que de simples assistants, ces systèmes s’appuient sur les avancées des modèles de langage pour automatiser certaines tâches, analyser les données et raisonner de façon contextualisée.
Dans cet article, Antoine Sinton revient sur les cas d’usage que nous explorons, les bénéfices concrets que nous observons, mais aussi les limites à garder en tête pour avancer de manière lucide.
Comment définis-tu un agent IA ?
Un agent IA est bien plus qu’un simple outil ; c’est un système capable d’automatiser des tâches complexes à partir d’instructions simples. Il est doté d’un « cerveau », un modèle de langage étendu (LLM), qui lui confère la capacité de comprendre et de raisonner. Ce « cerveau » est associé à des outils externes, tels que l’accès au web ou à des bases de données via des API ou des MCP, ainsi qu’à une mémoire lui permettant de se souvenir des interactions passées.
Concrètement, si on lui demande la météo d’une ville, il ne se contente pas de chercher l’information ; il construit la requête pertinente, consulte la source appropriée, puis restitue l’information de manière claire. On peut le voir comme un « stagiaire avec une patience infinie », capable de travailler inlassablement sur une tâche, même l’analyse d’un document de deux cents pages pour en extraire des informations cruciales, à condition de lui fournir des consignes suffisamment précises.
Quelle est la différence entre un outil IA et un agent ?
Les outils IA classiques sont généralement conçus pour une tâche unique, comme le scoring, la classification ou l’extraction de données. Ils sont entraînés sur d’énormes volumes de données et restent relativement figés dans leur fonction. Les agents IA, en revanche, ont comme base les LLMs recents qui sont des modèles généralistes (le plus souvent). Ils comprennent les instructions en langage naturel et sont capables d’orchestrer une série d’actions en accédant à divers outils pour accomplir une tâche de manière autonome. Ce n’est donc plus une simple sortie statique, mais une véritable réalisation de tâche, marquant un changement de paradigme où l’IA ne se contente plus d’analyser, mais agit.
Comment sont utilisés les agents chez Continuity ?
Chez Continuity, les agents sont mobilisés pour automatiser des tâches à faible valeur ajoutée et assister concrètement les équipe de souscription IARD. Un cas concret et déjà opérationnel est le traitement des e-mails des courtiers.
Notre premier agent, baptisé « Kevin », intervient en phase d’instruction : il lit le message, en extrait les données pertinentes, lance nos analyses internes (par exemple sur l’adresse du bien), et propose une réponse structurée au souscripteur. Son intégration a été particulièrement rapide, se faisant « par mail » sans nécessiter des mois de développement informatique.
Kevin aide à « apporter une réponse, une complétude notamment des informations » et « propose une réponse déjà formulée de manière classique ». À terme, nous visons la création d' »équipes d’agents », où chacun serait associé à un persona (souscripteur, direction technique, etc.), capables de collaborer pour renforcer la fiabilité de l’analyse, agissant comme un « comité de souscription complet » pour chaque dossier.
À quel moment les agents IA interviennent-ils dans la chaîne de souscription IARD ?
Les agents interviennent principalement pour décharger les souscripteurs des tâches répétitives et accélérer le processus. En amont, ils peuvent réaliser un tri initial, détecter les dossiers incomplets et identifier rapidement les demandes non conformes pour éviter des analyses inutiles.
Pendant l’analyse, ils extraient et mettent en forme les données utiles, en suivant les guides de souscription, et identifient les points clés ou les informations manquantes, comme un « il manque telle info ». En aval, et c’est une perspective clé, ils pourront aider à la revue de portefeuille IARD, à la détection des dossiers à réexaminer ou nécessitant une mise à jour, ainsi qu’à la préparation des visites de risque.
Quels bénéfices concrets pour les souscripteurs IARD ?
Les agents permettent aux souscripteurs IARD de se concentrer pleinement sur leur expertise métier. Ils les délestent des tâches répétitives, telles que la collecte d’informations et la vérification documentaire, accélérant ainsi l’instruction des dossiers et réduisant les oublis. L’agent aide à « déminer » les affaires nouvelles en identifiant rapidement si un dossier est viable, évitant la lecture de nombreuses pièces jointes inutiles.
Un avantage majeur réside dans la possibilité d’exprimer les règles d’analyse en langage naturel, ce qui permet une configuration fine sans complexité technique, même pour des cas très spécifiques comme le fait de détecter les arrêtés de périls dans une ville précise. Les souscripteurs peuvent ainsi dire « non très rapidement », ajuster leur proposition, ou mettre l’accent sur les documents manquants avec une grande efficacité.
Quels sont les risques et limites identifiés ?
Plusieurs risques sont à prendre en compte. Les hallucinations sont un défi majeur, où l’agent peut produire des réponses incorrectes ou incohérentes, ce qui est difficile à jauger et mesurer. Pour les limiter, il est crucial de le guider avec une « trame de process » et de ne lui fournir que des informations factuelles précises. Par ailleurs, si l’agent dispose d’une mémoire, il pourrait involontairement apprendre des comportements non désirés, menant à un apprentissage d’erreurs.
Enfin, la dépendance technologique vis-à-vis des grands fournisseurs de modèles (comme OpenAI ou Google) pose des questions de souveraineté des données, un enjeu majeur dans le secteur de l’assurance. C’est pourquoi nous maintenons une supervision humaine constante, développons des mécanismes de test qualité rigoureux, et explorons des pistes pour des modèles souverains (hébergés en interne, maîtrisés de bout en bout).
Nous ne croyons pas au « full automatisme » sans contrôle humain, car un agent laissé complètement autonome n’aurait qu’environ 50% de fiabilité sur des taches de 15min, ce qui serait dangereux, d’autant plus que la tache est difficile et longue.
Quelle vision as-tu des agents IA dans 2 à 3 ans pour la souscription Pro et entreprise ?
Dans les deux à trois prochaines années, les agents IA feront partie intégrante des processus métier. Ils dialogueront entre eux, pourront exécuter des tâches sans intervention humaine dans certains cas précis et seront entièrement configurables par des experts métier, sans nécessiter de compétences techniques. Ils transformeront les souscripteurs en « super-souscripteurs » : quel que soit leur niveau d’expérience, ils auront à disposition l’équivalent de plusieurs années d’analyse métier directement embarquée dans les agents.
L’IA agira comme un multiplicateur de compétences, permettant aux souscripteurs IARD de se concentrer sur leur rôle d’expert et d’optimiser leur temps, tout en garantissant que « le chiffre, c’est toujours l’humain ».
Comment gérez-vous la transparence et la souveraineté des données ?
La transparence est fondamentale pour nous : nos outils assistent les souscripteurs, mais ne prennent jamais la décision à leur place, la responsabilité restant humaine. Concernant la souveraineté des données, nous sommes très attentifs à cet enjeu majeur. Face aux acteurs américains ou chinois, notre stratégie est de « garder la compétence » et d’étudier activement des alternatives aux modèles hébergés par des tiers. L’objectif est, à terme, de pouvoir auto-héberger certains modules critiques, afin de garantir la confidentialité des données de nos clients et de limiter notre dépendance aux acteurs dominants