
À partir de janvier 2026, les assureurs devront se conformer à une évolution réglementaire majeure : le devoir de conseil ne se limitera plus à la phase de souscription. Il s’appliquera tout au long de la vie du contrat.
Cette évolution découle des interprétations renforcées de la directive sur la distribution d’assurances (DDA), transposée en droit français depuis 2018, et des attentes accrues de l’ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution). Elle traduit une volonté claire des régulateurs européens : garantir que la couverture d’assurance reste adaptée à la réalité des assurés dans la durée, et non plus seulement au jour de sa signature.
Pour les acteurs de l’assurance professionnelle et entreprise (IARD Pro & Entreprises), ce changement représente une transformation en profondeur de leurs pratiques. Car au-delà des particuliers, où la standardisation des contrats facilite les vérifications, les entreprises présentent des risques plus complexes, plus hétérogènes et souvent en constante évolution.
IARD : Du conseil ponctuel à l’accompagnement continu
Historiquement, le devoir de conseil consistait à vérifier, lors de la souscription, que le contrat proposé correspondait aux besoins exprimés par le client. L’assureur devait démontrer que les garanties étaient adaptées et que l’assuré en comprenait la portée et les limites.
En 2026, cette approche devient insuffisante. Les assureurs IARD devront désormais :
- Vérifier régulièrement que les contrats restent pertinents face à l’évolution des risques,
- Documenter chaque vérification pour répondre aux contrôles de l’ACPR,
- Alerter les clients en cas de changement de situation : déménagement, extension d’activité, croissance rapide du chiffre d’affaires, installation de nouveaux équipements, ou exposition à de nouveaux risques (cyber, climatiques, réglementaires).
Le devoir de conseil devient donc une obligation dynamique et permanente, intégrée à la gestion du portefeuille, et non plus un simple acte ponctuel lors de la souscription.
Les impacts pour les assureurs Pro & Entreprise
Une conformité renforcée
Les contrôles de l’ACPR vont se durcir. Les assureurs pro & entreprises devront être capables de prouver qu’ils suivent effectivement leurs portefeuilles dans le temps. Une absence de vérification documentée pourra être assimilée à un manquement au devoir de conseil, exposant l’entreprise à des sanctions financières mais aussi à un risque réputationnel significatif.
Une charge opérationnelle accrue
Réaliser régulièrement des visites de risques ou adresser des questionnaires exhaustifs à l’ensemble des clients est matériellement impossible. Dans un portefeuille de plusieurs dizaines de milliers de contrats, il faudrait mobiliser des moyens humains colossaux. Les assureurs IARD doivent donc trouver un équilibre entre qualité de suivi et efficacité opérationnelle.
Un risque économique et concurrentiel
Ignorer une évolution majeure du risque peut conduire à une couverture inadaptée et à des litiges lors de sinistres. À l’inverse, sursolliciter les clients peut dégrader l’expérience et favoriser le départ vers des concurrents perçus comme plus simples et plus rapides. Dans un marché déjà très compétitif, cette réglementation accentue la nécessité de trouver le bon équilibre.
Une opportunité pour réinventer la relation client
Au-delà de la contrainte, ce nouveau cadre peut devenir un levier de différenciation.
Relation renforcée avec les sociétaires
Une approche proactive rassure les clients et renforce leur confiance. Un dirigeant de PME appréciera que son assureur détecte l’évolution de son activité et l’informe spontanément des ajustements nécessaires, plutôt que de découvrir a posteriori une insuffisance de couverture.
Maîtrise accrue des portefeuilles
Un suivi régulier permet d’identifier plus tôt les anomalies, les risques émergents ou les écarts avec la politique de souscription. Cela conduit à une meilleure qualité technique, réduit la fréquence des sinistres inattendus et améliore la rentabilité globale.
Conformité valorisée comme avantage compétitif
Les assureurs capables de démontrer une traçabilité exemplaire de leurs contrôles disposeront d’un avantage concurrentiel. Dans les appels d’offres, cette transparence peut devenir un critère différenciant.
Le rôle central de la donnée et de l’IA
Répondre à ces nouvelles exigences sans transformer les pratiques est impossible. Les solutions résident dans une exploitation intelligente de la donnée externe et de l’intelligence artificielle.
Identifier automatiquement les évolutions
Des sources multiples peuvent révéler des signaux faibles :
- registres légaux (INSEE, greffes, bases Sirene),
- urbanisme et risques naturels (cartes inondations, périls immobiliers),
- climat et environnement (zones SEVESO, arrêtés municipaux),
- open data économique et sectoriel.
L’intelligence artificielle permet de repérer les évolutions significatives : déménagements, extension de surfaces, transformation de l’activité, croissance ou baisse du chiffre d’affaires.
Hiérarchiser et déclencher des alertes
L’IA permet de croiser ces données, de hiérarchiser les signaux et de générer des alertes pertinentes pour les équipes. Plutôt que de solliciter systématiquement tous les clients, l’assureur concentre ses efforts sur les écarts critiques.
Outiller les équipes terrain
Les solutions numériques peuvent générer des dossiers préparés : informations préremplies à partir de la donnée externe, points de vigilance déjà identifiés, chemin de fer pour l’entretien ou la visite. Cette approche sécurise le travail des chargés de clientèle, en particulier les plus jeunes, et réduit les risques d’omission.
Capitaliser sur la mémoire collective
En intégrant et en restituant les décisions passées, l’IA peut homogénéiser les pratiques, tout en laissant au souscripteur la maîtrise de la décision. L’outil devient un assistant qui garantit l’équité de traitement, sans dénaturer l’expertise individuelle.
Une mise en perspective internationale
La tendance au renforcement du devoir de conseil ne se limite pas à la France.
- Au Royaume-Uni : depuis juillet 2023, la Consumer Duty de la FCA impose une obligation de « fair value », une meilleure lisibilité des produits et un suivi renforcé de la relation client. Si cette réglementation cible en priorité les particuliers, elle s’applique également aux small businesses, souvent confrontées à la complexité des offres assurantielles. Les assureurs et intermédiaires doivent donc veiller à ce que les garanties proposées restent adaptées aux réalités opérationnelles de ces entreprises.
- En Allemagne : la BaFin a transposé la DDA avec une attention particulière portée à la documentation systématique des besoins clients. En BtoB, cela signifie que le profil de risque d’une entreprise doit être régulièrement réévalué et que l’adéquation entre contrat et activité doit être démontrée et tracée dans le temps.
- Au niveau européen : l’EIOPA promeut une approche plus large du conseil, intégrant les critères de durabilité (ESG) et la gouvernance produit. Dans le domaine des assurances entreprises, cela implique par exemple une meilleure prise en compte des risques climatiques ou de responsabilité sociétale, qui influencent directement la couverture et les conditions d’assurance.
Ces évolutions traduisent un mouvement global : celui d’une assurance professionnelle plus transparente, responsable et durable, où la qualité du conseil et le suivi dans la durée deviennent aussi essentiels que la tarification.
Le rôle des partenaires technologiques
Pour relever ce défi, les assureurs Pro & Entreprise doivent adapter en profondeur leurs pratiques : mieux exploiter la donnée, renforcer le suivi dans la durée et outiller leurs équipes de souscription afin d’allier efficacité opérationnelle et qualité du conseil.
Dans cette évolution, les assureurs IARD entreprises peuvent s’appuyer sur des partenaires technologiques spécialisés, capables de fournir :
- des moteurs de données fiables et continus,
- des outils de monitoring de portefeuille,
- des solutions pour préparer et guider les équipes dans leurs rendez-vous,
- une intégration fluide dans les extranets et outils de souscription.
Continuity permet d’automatiser une partie du travail de collecte et de contrôle, tout en recentrant les équipes sur leur valeur ajoutée : l’analyse, l’interprétation et l’arbitrage. C’est dans cette combinaison entre technologie et expertise humaine que se joue la réussite d’une souscription moderne, capable de concilier simplification des parcours et sécurisation des risques.
Perspectives : vers un nouveau standard
Dès 2026, le devoir de conseil permanent deviendra un nouveau standard du marché. À moyen terme, on peut anticiper :
- un suivi continu systématisé : attendu par les régulateurs, mais aussi par les clients,
- l’essor des agents IA spécialisés en souscription, copilotes des équipes humaines,
- un marché plus sélectif : les assureurs mieux équipés sauront plus vite arbitrer et écarter les mauvais risques et se concentrer sur les plus porteurs,
- une montée en compétence des équipes : grâce aux outils, les collaborateurs juniors pourront gagner en autonomie, tout en respectant les standards de conformité.
Conclusion
L’entrée en vigueur du devoir de conseil continu en 2026 représente un tournant pour la profession assurantielle. Si la contrainte est réelle, elle constitue aussi une opportunité unique de renforcer la relation client, de sécuriser la qualité technique et de valoriser le rôle du souscripteur.
La clé réside dans la capacité des assureurs IARD à conjuguer donnée, intelligence artificielle et expertise humaine. Ceux qui sauront anticiper et mettre en place les bons outils transformeront une obligation réglementaire en avantage compétitif durable.
image générée par IA via Firefly : symboliser la détection de contrats pas à jour dans un portefeuille de contrat